Les temps apostoliques ne considèrent pas les diacres comme des charismatiques. Le Diaconat seul est conféré lors d’une cérémonie liturgique proprement dite, avec prières et imposition des mains (Act. 6.6.). les charismatiques ne sont jamais ordonnés. Logique, puisque c’est l’Esprit Saint qui leur confère qualification et mission.
Le statut de ces diacres « serveurs » doit nous interpeler et nous aider à approfondir notre réflexion.
L’ordination est « destinée à leur transmettre une fonction d’Eglise ». Il nous est difficile de cerner les motivations et mesurer l’importance de ce fait et de ses conséquences.
La ritualisation de leur ordination confère à ces diacres un statut et leur élection, une position sociale, sans oublier une mise sous autorité hiérarchique. C’est sans doute l’une des raisons pour laquelle le diaconat a survécu dans l’Eglise. Ces dons spirituels, ces énergies (dunaméis dans le texte grec) stimulaient pourtant et nourrissaient abondamment la vie des communautés. Pourquoi alors une telle désuétude ?
En 1 Cor. 12,4 et ss, nous lisons : « il y a diversité de charismes, mais c’est le même esprit, diversité de services (diakoniôn, dans le texte grec), mais c’est le même Seigneur ». Puis, Paul passe en revue les divers charismes en commençant par les plus éminents : parole de sagesse, parole de connaissance, charisme de guérison, de discerner les esprits, de parler en langues, de les interpréter …. C’est le même esprit distribuant à chacun personnellement (idia) comme il veut (voir aussi v. 27-31).
De tous ces charismes, aucun n’a survécu distinct dans l’Eglise, sauf la dénomination de prophète, dans notre rite du baptême, mais pour quelle mise en œuvre? Nous ne connaissons pas un seul baptisé qui en ait conscience et se mette, au moins de temps en temps, à prophétiser.
En 70 ans d’écoute assidue des homélies, nous n’avons entendu un seul prédicateur parler de ces charismes. Un tel désintérêt est-il justifié ?
Une notice de la Bible de Jérusalem en fournit un début d’explication : « les charismes … s’exprimaient parfois de manière étrange et incohérente ».
Etrange ? Certainement pour le chrétien passablement rationaliste d’aujourd’hui. Et l’incohérence ? Paul, en fin pédagogue, y a mis bon ordre. : pour la glossolalie, est prévu le charisme qui sait l’interpréter. Egalement, « …celui qui prophétise, édifie l’assemblée. Je souhaite que vous parliez tous en langues. Mais je préfère que vous prophétisiez.. .Celui qui parle en langues doit prier pour avoir aussi le don d’interprétation » (v. chap. 14.4-19).
Tous ces phénomènes charismatiques dérangent depuis longtemps les autorités, même civiles, et déplaisent particulièrement à une certaine mentalité. Suite à l’émergence des mouvements pentecôtistes dans le monde anglo-saxon, eux étant attentifs aux charismes, des groupes charismatiques ont vu le jour dans l’Eglise. Le magistère soutenu par des courants opposés à ces innovations, a sans tarder « encadré » ces tentatives : un numéro entier de la revue Concilium a décrit ce processus. Lors du Rassemblement charismatique national à Paray-le-Monial, en 1980, il nous a été donné de constater combien peu y soufflait le vent de « liberté des enfants de Dieu ». Réticences, opposition, méfiance, tentatives de récupération montrent à l’envi le poids de l’inertie présent jusqu’à nos jours dans l’Institution alors que ces charismes étaient, et sont toujours, « donnés gratuitement pour le bien des communautés chrétiennes ».