» Ne pas subir la mondialisation  » ( Titre dans La Croix du 8.09.2005).

Ne pas subir … ou mieux : assumer les potentialités déjà. connues ? Bien entendu,  » nous avons un avenir exigeant « , mais beaucoup plus exigeant que ne le montre cet article. Recommander : nouvelles compétences, mobilite professionnelle, nouveaux métiers, ••• c’est fort bien. Là nous ne sortons pas de la seule perspective economico-professionnelle. Une mondialisation assumée requiert d’autres engagements. un courageux changement d’optique, débarrassé de certaines idées reçues telle que la croissance à tout va et à tout prix.

L’auteur accepte sans réticence le contexte de ce qu’il est convenu d’appeler « croissance ». N’est-il pas temps, enfin, de prendre en compte  » la fragilité de la puissance » avec la volonté de  » nous libérer de l’emprise technologique  » ? (1)

Ce que l’article montre bien : le consommateur   » que nous sommes  » (?) recherche les prix bas faisant ainsi pression sur les commerçants et les producteurs, qui délocalisent, en toute logique du marché, les instruments de production Que le même consommateur s’en prenne donc à lui-même. Mais ce qu’il importe de voir également. ( l’auteur n’en dit rien ) : ces délocalisations opèrent. objectivement, une sorte de péréquation des richesses  » mondiales » au bénéfice de salariés là-bas … Comprenez, maigre toutes les réserves qu’on peut faire, ce que représente un  » petit  » salaire pour un serveur tunisien. pour un ouvrier indien …!
Voilà à quelle échelle il convient d’évaluer l’économie : si nous ne vivions pas largement au-dessus de  » nos  » moyens. qui sont en fait les moyens planétaires, nous pourrions peut-être nous trouver des excuses.

Il nous incombe par conséquent d’accepter une autre vision de la société humaine mondiale et mettre en œuvre des concepts nouveaux tel celui d’organisation sociétale tripolaire, conformément à notre devise républicaine :

– Égalité de tous devant le Droit ( secteur politique ),
– Fraternité en économie ( dissociée de la politique ),
– Liberté pour toute activité créatrice, culturelle : arts, pensée, religion, recherche, enseignement. … .

Ces concepts, d’ores et déjà mis en pratique. partiellement, sont décrits et précisés dans l’ouvrage de N.Perlas •  » La Société civile : 3ème pouvoir  » (éd. Yves Michel), qui est lui-même chef et créateur de plusieurs entreprises ; Prix Nobel Alternatif 2003, il dirige une dizaine de groupes, sur quatre continents souvent conjointement avec le PNUD (2). Cet ouvrage introduit également le concept de  » développement durable intégré « . Mais rapidement, des termes comme développement, écologie, convivialité ( I. Illich ) . ont été détournes de leur sens premier.

Soyons donc clairs et parlons de décroissance, consommation des ressources planétaires avec parcimonie dans un esprit d’équité et de fraternité, dans le sens d’un grand nombre d’altermondialistes :  vie simple et  » sobriété heureuse  » ( Pierre Rabhi ),  » Vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre « .( Gandhi )  » Résister par la pauvreté  » éditorial de  » La Décroissance • ( n°23, sept.2004). (3)

Conclusion de l’article :  » nous ferions mieux de devancer la mondialisation pour mieux la diriger « . Qui est ce  » nous  » ? L’Occident ? L’hémisphère nord ? Il nous incombe d’ouvrir des perspectives a dimensions planétaires. ( L’auteur n’y songe pas. ) Alors, d’une part, regardons en face les problèmes cuisants et incontournables de notre temps : un système économico-financier mû par le principe de la compétition-concurrence et le profit personnel ( égoïsme ), un système éducatif et scolaire à l’avenant,  » Les maladies créées par l’homme  » ( Dr. Belpomme ) et 20% de nouveaux cancers chaque année en France, la dégradation de la planète par l’homme, paupérisation de l’hémisphère sud..etc.

De l’autre côté,  » pousser nos capacités de formation « . Comment, sinon au sens d’une formation englobant toute la personne humaine. au moyen de pédagogies performantes (écoles Montessoti, Waldorf, compagnons du Devoir… ). Et quid de la Charte de l’Environnement ? du protocole de Kyoto ? de l’Appel de Paris? …

Oui. nous avons besoin d’inventeurs et de créatifs ; j’entends répéter ce genre de clichés depuis bien cinquante ans. Rien ne sert de le répéter. Si nous manquons de courage et continuons de rejeter des idées neuves, des courants minoritaires, certes, mais capables d’innovation, nous n’avancerons pas. Mais nous préférons les dénigrer sans même en avoir pris, sans préjugés, une connaissance complète. jugée sur pièces : ce sont des dissidents de la pensée unique. voire des outsiders dangereux pour notre confort intellectuel et nos habitudes bien huilées. Et si nous recherchons des potentiels novateurs, il en existe en abondance mais en dehors des sentiers battus.

Fernand KOCHER

1 ) Fragilité de la puissance. Alain Gras. éd. Fayard.
2 ) Programme des Nations Unies pour le Développement.
3 ) La Décroissance, bimestriel, vendu en kiosque. ( 11, place Croix-Pâquet, 69001 Lyon )-